La prudence en politique
Abstract
Aristote accorde une importance telle à la prudence qu'elle est le véritable lien de la politique et de
l'éthique à travers toute sa philosophie de l'action. Pourtant, et à cause de cette importance, il ne peut
guère la définir. Il ne la cerne pas par approximation comme une vertu morale ni par classification
comme un régime politique. La prudence est la vertu intellectuelle, le concept imposé par le fait que la
politique et l'éthique ne sont jamais entièrement liées et jamais entièrement déliées. La prudence
machiavélienne radicalise cet enseignement ; elle ne le rompt pas : là où la prudence aristotélicienne
indique que politique et éthique ne peuvent être très séparées, l'habileté machiavélienne indique
qu'elles ne peuvent être très liées. Ce n'est qu'avec Hobbes qu'on est en présence de la construction
systématique d'une théorie dans laquelle la politique l'emporte entièrement sur l'éthique. Kant renverse
cette priorité au seul profit de l'éthique. La recherche aristotélicienne fait finalement figure de moins
mauvaise solution. Elle sort l'éthique du purisme et la politique de la pure force. En tout cas, sans
référence à une relation entre la politique et l'éthique, la recherche de la prudence est peu probable. La
croyance récente en la toute-puissance de l'histoire l'a montré.
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