Filmer critique de Hobbes. Une source augustinienne de la modernité politique ?
Résumé
On connaît généralement Filmer à travers la réfutation qu'a fait Locke du Patriarcha. Des deux traités qu'a consacré Locke au gouvernement civil, la postérité a largement avantagé le second en terme de réception : le premier, qui vise à réfuter les thèses de Filmer, n'a été traduit en français qu'en 1991 tandis que le second l'était dès 1691. L'intérêt que l'on porte au Patriarcha et à sa réfutation, en France du moins, n'est donc que très récent et peu d'études lui ont été consacrées. Ce désintérêt semble tenir à l'histoire elle-même. Le Patriarcha a en effet été publié pour maintenir la cause de la monarchie de droit divin, et les thèses de Filmer ont connu une vogue qui s'est manifestée durant la crise de l'Exclusion (1679-1681). Un certain nombre de Whigs ont jugé nécessaire de le réfuter pour contrer l'offensive idéologique des Tories. La cause défendue par Filmer a subi une défaite lors de la Glorieuse Révolution de 1688-1689, avant d'être discréditée en Europe. Ce sont les idées de Locke qui l'ont emporté-celles du Second Traité-davantage perçues comme porteuses de modernité et confortées par le portrait que le philosophe dressait lui-même de Filmer, celui de vaincu d'une histoire où les droits et les libertés des Anglais avaient été restaurées après la Glorieuse Révolution par Guillaume d'Orange. Faisant l'éloge de ce dernier, Locke soutenait que son autorité reposait sur le consentement du peuple, « qui est l'unique titre des gouvernements légitimes » - thèse anti-filmérienne par excellence.