Soft power et religion - Sciences Po Accéder directement au contenu
N°Spécial De Revue/Special Issue Bulletins de l'Observatoire international du religieux Année : 2022

Soft power et religion

Résumé

Ce nouveau numéro paraît alors que la guerre en Ukraine redouble d’intensité et que les tensions en Asie-Pacifique ne cessent de croître. Les analyses proposées de ces diverses actualités se focalisent le plus souvent sur les questions de hard power, selon la terminologie développée par Joseph Nye dans les années 1990, notion qui renvoie essentiellement à la puissance militaire et économique des États. Nous avons souhaité proposer dans cet opus un autre éclairage de ces tensions internationales, en nous attardant sur le soft power, pouvoir cette fois non coercitif, capacité d’influence d’un État grâce à son attractivité culturelle et politique. Le soft power peut d’ailleurs apparaître comme l’une des composantes de la vision stratégique développée par l’armée française depuis 2021 : « Gagner la guerre avant la guerre ». Cela suppose en effet de mobiliser des leviers d’influence indirects, d’investir dans la compétition informationnelle, de diffuser les cadres d’analyse culturels et politiques propres à un État dans diverses régions du monde afin d’en accroître le rayonnement et la puissance. Le facteur religieux est l’un des outils largement mobilisés dans cette finalité. Les trois articles du dossier thématique de ce bulletin le montrent parfaitement. Peter Mandaville expose tout d’abord que la religion est un instrument du soft power utilisé par l’ensemble des puissances du globe, de la Russie à l’Inde ou la Chine, sans omettre les États du Golfe. Le facteur confessionnel est souvent présenté par ces pays comme une « offre culturelle » concurrente de celle proposée par l’Occident, garant des valeurs traditionnelles. Surtout, le chercheur souligne comment, dans un monde gagné par l’incertitude, les religions apportent un récit porteur de sens et sont de fait de plus en plus mobilisées par le pouvoir comme outil de politique internationale. Dans un deuxième article, Diletta Guidi élargit le concept de soft power défendu par Joseph Nye en montrant qu’il peut favoriser l’attractivité d’un État à l’échelle internationale, certes, mais qu’il est aussi un support de la cohésion nationale. L’ « islamania » muséale française en est une excellente illustration. Elle permet de « fabriquer » une image de l’islam compatible avec les valeurs et l’histoire de la République. Elle œuvre en outre à renforcer la coopération avec les partenaires arabo-musulmans de la France, en favorisant la diffusion d’un capital culturel qualitatif. Le troisième article de ce dossier thématique se concentre sur le soft power de l’Église orthodoxe russe, largement mobilisé dans la guerre en Ukraine – le patriarche Kirill déclarait encore il y a quelques jours que les soldats russes qui mourront dans ce conflit seront lavés de tous leurs péchés. Yulia Kurnyshova analyse également les limites de ce soft power, en soulignant que celui-ci a finalement échoué dans le conflit ukrainien. Nous avons choisi pour l’Éclairage(S) de ce bulletin de nous intéresser à un État assez peu connu, la Moldavie. Le déplacement d’Emmanuel Macron dans ce pays en juin 2022, première visite d’un chef d’État français depuis vingt-quatre ans, constitue l’occasion d’analyser la religiosité de ce pays et les enjeux qui la traversent. Davide N. Carnevale montre avec pertinence toute la complexité de cette question, en soulignant notamment que les tensions internationales et les divisions qui touchent l’Église orthodoxe ne constituent pas des cadres d’analyse suffisants pour apprécier les modalités de la religiosité à l’échelle locale. Enfin, la partie Ressource(S) est consacrée à la nomination par le pape François de 20 nouveaux cardinaux à la fin du mois d’août 2022. François Mabille analyse de façon particulièrement éclairante les limites et la portée de ce geste pontifical.
Fichier non déposé

Dates et versions

hal-03884849 , version 1 (05-12-2022)

Identifiants

  • HAL Id : hal-03884849 , version 1

Citer

Alain Dieckhoff, Philippe Portier. Soft power et religion. Bulletins de l'Observatoire international du religieux, 39, 2022. ⟨hal-03884849⟩
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