L’argument démographique
Abstract
La politique des populations est devenue, depuis une vingtaine d’années, un objet courant de l’historiographie du 20e siècle, en France comme à l’étranger. Cet intérêt résulte d’une conjonction historiographique et politique qui s’est mise en place dans les années 1980. La crise de l’histoire quantitative invitait alors à repenser par d’autres biais l’objet « population », qui depuis l’après-guerre était passé sous la domination hégémonique voire exclusive de la démographie historique. La réception de l’œuvre de Michel Foucault, la diffusion des approches « déconstructionnistes », puis l’expansion des science studies permettaient d’historiciser les savoirs et méthodes démographiques ainsi que les conditions de leur usage, en liaison avec un intérêt général pour l’histoire de la statistique. Sur un plan idéologique enfin, et dans beaucoup de pays, le recul chronologique et la relève des générations rendaient possible l’ouverture d’un débat critique – dénonciateur parfois – sur le rôle des sciences de la population dans les grandes entreprises totalitaires, impérialistes ou colonialistes de la première moitié du siècle, ainsi que dans leurs nombreuses applications nationalistes, racistes et eugénistes. En France, ils prenaient place au moment où s’effectuait enfin un retour sur le passé vichyste, et les marques qu’il avait imprimées à la république [Premier paragraphe].
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