Les liaisons dangereuses de l’État
Abstract
En 1976, dans un témoignage résumant bien l’état d’esprit de nombreux grands commis de la Libération, François Bloch-Lainé pouvait écrire : « j’ai choisi de servir un maître et un seul : l’État. Un maître dont les agents jouissent d’une indépendance, d’une liberté qu’on trouve peu dans d’autres métiers ». Si ce récit « héroïsé » ne doit pas être pris au pied de la lettre, il renvoie toutefois à une période, celle des années de croissance d’après-guerre, où prédominait la perception – biaisée mais solidement enracinée dans l’imaginaire collectif – d’un État centralisé et interventionniste se situant au-dessus des intérêts particuliers. Depuis une vingtaine d’années, de nombreux travaux en sciences sociales ont cependant remis en question l’idée d’un exceptionnalisme de l’État français, longtemps présenté par ses principaux acteurs – et certains chercheurs – comme l’archétype de l’État fort, héritier d’une tradition jacobine et napoléonienne centralisatrice et garant de l’intérêt général.