Dépenses publiques : quels enjeux pour le prochain quinquennat ?
Abstract
En 2015, la France a connu un niveau des dépenses publiques de près de 57 % du PIB,
parmi les plus élevés de l'OCDE. Ce constat interroge sur le niveau d'intervention de l'État
dans l'économie et le bon périmètre de la dépense publique. Il s'agit dans ce Policy Brief
d'éclairer le débat, qui se polarise entre d'une part ceux qui considèrent l'économie française
suradministrée, ce qui étoufferait l'activité du secteur privé en le contraignant à supporter une
charge fiscale trop lourde en regard de dépenses trop élevées ; et d'autre part, ceux qui
militent pour que la sortie de crise passe par une relance budgétaire de grande ampleur, une
hausse de l'emploi public et une diminution des inégalités de revenu, quitte à accepter un
accroissement substantiel des prélèvements obligatoires. Or il apparaît que la dépense
publique est de nature très diverse (dépenses sociales, investissements dans les infrastructures,
salaires des fonctionnaires, crédits d'impôts aux entreprises, …). De l'analyse de cette diversité
et de son évolution émergent plusieurs constats :
■ Le poids important de la dépense publique française s'explique d'abord par son modèle
social et fiscal, une démographie plus dynamique et un budget de la défense conséquent.
Les dépenses de retraites, santé ou éducation sont très largement publiques et financées
par des prélèvements obligatoires. Dans les autres pays, si la production du service ou la
distribution de la prestation peut être confiée à un organisme relevant du secteur privé, la
dépense totale mobilisée pour faire face à un risque donné peut être toute aussi importante.
Dès lors, si l'on doit se comparer aux autres pays, il est primordial de raisonner à
périmètre et service équivalents. À titre d'exemple, les dépenses publiques de retraite et
santé sont aux États-Unis 8 points de PIB inférieures à celles de la France, mais les dépenses
totales de retraite et santé, incluant les dépenses privées, sont 2 points de PIB supérieures à
celles de la France ;
■ En revanche, l'emploi public n'est pas une singularité française : la part de l'emploi public
en France, quel que soit le type de contrat et d'activité, représente 20 % de l'emploi total,
soit un niveau légèrement inférieur à celui de la moyenne de l'OCDE, du Canada, du
Royaume-Uni ou de l'Irlande et loin derrière les pays scandinaves ;
■ Des efforts importants de maîtrise de la dépense publique ont été réalisés au cours des dix
dernières années, dont le rythme de croissance a été divisé par deux par rapport à la
période avant-crise. Si le poids de la dépense publique s'est accru de près de 5 points de
PIB depuis 2008, cela s'explique avant tout par l'affaissement de la croissance depuis la
crise ;
■ Le vieillissement de la population devrait engendrer un changement de la structure des
dépenses, pour s'adapter aux nouveaux besoins sociaux, notamment en ce qui concerne la
retraite et la dépendance. Or d'un point de vue strictement budgétaire, la France, contrairement
à d'autres pays membres de la zone euro, semble avoir déjà fait les adaptations
nécessaires aux évolutions démographiques ;
■ La dépense publique contribue largement à la réduction des inégalités et constitue
un stabilisateur puissant de l'activité économique. Réduire massivement le poids de
la dépense publique ne peut donc se faire sans modifier le niveau de vie des
ménages et la répartition des revenus. L'impact serait par ailleurs négatif à courtmoyen
terme pour l'activité économique. Selon le modèle e-mod.fr de l'OFCE, et
non ciblée de la dépense publique de 1 point de PIB, en même temps qu'une baisse
des prélèvements obligatoires du même montant, est récessive à court-moyen
terme (-0,4 point de PIB au bout de 2 ans et -84 000 emplois) et s'atténue à 5 ans
(-0,1 point de PIB). La baisse des dépenses publiques, sans baisse des prélèvements
obligatoires, diminue le PIB de 0,9 % au bout de 2-3 ans (et détruit 240 000
emplois) et 0,6 % à 5 ans (et détruit 180 000 emplois).
Le poids de la dépense publique dans l'économie renvoie avant tout à un choix de
société. La structure des dépenses publiques et le niveau des prélèvements obligatoires
témoignent du degré d'implication de l'État dans la gestion des risques individuels et la
lutte contre les inégalités par la redistribution. Le niveau à atteindre de la dépense
publique ne peut donc se résumer à un débat comptable. Aucune étude ne peut
sérieusement définir le niveau optimal de dépense publique pour une économie sans
définir un système de préférences collectives pour les biens publics et la distribution
des revenus.
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