Résumé : L'Union européenne a deux bonnes raisons d'embrasser la transition vers le
bien-être et la soutenabilité : d'une part, elle s'est historiquement construite
comme un pouvoir normatif et post-matérialiste ; d'autre part, dans le contexte
géopolitique actuel, elle doit prendre son « destin en main » et inventer un
modèle original et robuste de développement. Cette transition vers le bien-être
a un sens précis : au lieu de la croissance, les décideurs devraient se préoccuper
du bien-être (le développement humain), de la résilience (la résistance aux
chocs, notamment écologiques) et de la soutenabilité (le souci du bien-être
futur). Il existe à cet égard un véritable paradoxe européen en ce qui concerne
les indicateurs de bien-être depuis la « grande récession » : d'une part, l'UE a
tenté de capitaliser sur le mécontentement à l'égard de l'économie standard et
de faire sien l'agenda « au-delà du PIB » qu'elle a contribué à lancer. D'autre
part, les institutions européennes sont devenues encore plus rigides dans
l'application de ses critères de finance publique. Cet article présente d'abord les
enjeux de la transition du bien-être avant d'indiquer des voies possibles
d'ancrage de cette transition dans les politiques publiques de l'Union
européenne, à tous les niveaux de gouvernance. On peut de ce point de vue
envisager au moins trois niveaux d'action pour inscrire les indicateurs de bienêtre, de résilience et de soutenabilité dans les politiques publiques de l'Union
européenne : le niveau européen, le niveau national et le niveau local. On peut
de plus croiser ces niveaux de gouvernance avec trois lieux de l'action
politique : la démocratie représentative, la démocratie réglementaire et la
démocratie participative. Au niveau européen notamment, tout reste ainsi à
faire pour intégrer les indicateurs de bien-être aux procédures budgétaires : l'UE
pourrait concevoir et organiser, au cours du semestre européen, un débat au
Parlement européen et dans tous les parlements des États membres, informé
des indicateurs de bien-être et de soutenabilité, orienté par les valeurs
européennes et les priorités nationales visant à déterminer les choix budgétaires
au-delà des seuls critères de discipline fiscale.