Portrait de l’historien-ne en cyborg
Abstract
Les discours tenus sur Internet et ses conséquences sur l’élaboration du savoir historique oscillent généralement entre l’enthousiasme, l’inquiétude ou le désintérêt. Selon les uns, la « révolution numérique », en donnant accès à une masse inédite de données et en permettant la communication instantanée et
à distance de l’information et des résultats de la recherche, bouleverserait les fondements épistémologiques de la discipline. Pour les autres, ces nouvelles possibilités, loin de constituer une avancée, feraient peser une menace sur les opérations classiques de production du savoir historique, élaborées au XIXe siècle,
en entretenant l’illusion d’une maîtrise possible de gigantesques corpus mis à disposition sur le Web sans travail direct sur les sources. Vieux confl it, pourrait-on dire, entre technophiles et technophobes : il y a dix ans déjà, l’historien Rolando Minuti invitait à rejeter aussi bien « l’enthousiasme technologique acritique » que le « scepticisme radical »1. Reste que la position sans doute la plus fréquente, et qui n’est peut-être pas la moins dommageable, est celle du désintérêt, à tout le moins celle qui consiste pour les historiens à adapter leurs pratiques aux nouveaux moyens de communication, sans s’interroger sur ce que ces derniers font à l’histoire, conçue à la fois comme savoir et profession. [Premier paragraphe]