L'argent des femmes. Quelques pistes de recherche
Abstract
L’argent fait l’objet de soupçon. Il corrompt, avilit, souille les sentiments, les choses ou les personnes qu’il achète, notamment la vertu des femmes. Si les femmes vénales sont supposées dangereuses, sinon sulfureuses, le fait même que les femmes soient propriétaires d’argent et l’utilisent selon leur bon vouloir inquiète le corps social. Même après que les restrictions juridiques ont disparu, les femmes possèdent moins d’argent que les hommes et s’en sentent des propriétaires moins légitimes1. Construit au fil du temps, en particulier par l’exégèse chrétienne de l’argent, le soupçon de la mise en équivalence des femmes, de leur corps, de leur travail et même de leur esprit, avec l’argent, laisse des traces sociales. Ces soupçons reposent sur une série de postulats: d’abord celui d’une pureté originelle des rapports sociaux sans échanges marchands; ensuite celui d’un argent deus ex machina qui imposerait une rationalité calculatrice et marchande; enfin celui d’une passivité de la sexualité féminine et d’une propriété sociale du corps des femmes.