Quelques impressions sur la comparaison juridique en France - Sciences Po Accéder directement au contenu
Article Dans Une Revue Annuario di diritto comparato e di studi legislativi Année : 2013

Quelques impressions sur la comparaison juridique en France

Résumé

The contemporary situation of legal comparison in France is as follows. Legal disciplines continue to be organized according to a trifurcation between private law, public law and legal history. Comparative law does not appear on the institutional stage as a discipline with its own curricula, diplomas and appointments. The teaching of comparative law remains marginal in the students' academic training. Nevertheless, in the current context of legal globalization, several diplomas and research centres which are specifically dedicated to comparative law appear. A specific scientific production consequently emerges. But for the moment comparative law cannot be regarded as a scientific community or a really autonomous discipline. Significantly, there is not any strong debate about the object and the method of legal comparison. The very few considerations about these topics in textbooks mostly consist in unoriginal developments (science v. method, macrocomparison v. microcomparison, comparative law v. study of foreign laws, etc.). These are totally disconnected from the way international literature ponders today over the intellectual operation which is involved in the comparative activity. This epistemological limit results both several causes: the inexistence of a genuine comparative community which could be organized according to various intellectual trends, the general weakness of French reflection in the field of legal theory, the low degree of interdisciplinarity in French universities, the technically-minded tradition for which comparative law is a means to export the French legal system abroad. Comparative scholars who work in France can be roughly classified in five categories: those who are the most connected to the international debate adopt the perspective of global law, which supersedes usual distinctions (public law v. private law, domestic law v. international law, etc.); a second group insists on the importance of legal cultures in order to understand and compare legal systems; others produce truly comparative works without caring much for methodological questions; a fourth group conceives of comparison as the juxtaposition of national case studies; a last group remains faithful to René David's method of 'major legal systems'. A reflection on the scope, object and method of comparison is necessary. It must not aim at the victory of any orthodoxy, but at the identification of a multiplicity of ways to approach legal comparison, the presuppositions, results and limits of each need to be clarified.
La situation actuelle de la comparaison juridique en France est la suivante. Les disciplines juridiques demeurent organisées selon une tripartition entre droit privé, droit public et histoire du droit. Le droit comparé n'apparait pas sur le plan institutionnel comme une discipline appelant des cursus, des diplômes et des recrutements spécifiques. L'enseignement de droit comparé n'occupe qu'une place marginale dans le cursus universitaire. Ceci n'empêche pas, dans le contexte actuel de globalisation juridique, le développement de diplômes et de centres de recherche principalement ou exclusivement consacrés à une approche comparatiste. Une production scientifique spécifique émerge. Mais le droit comparé peine encore à s'établir en communauté scientifique ou en discipline réellement autonome. A ce titre, il n'existe aucun débat d'ensemble sur l'objet et la méthode comparatiste. Les rares considérations relatives à ce thème dans les manuels consistent en développement convenus (science v. méthode, macrocomparaison v. microcomparaison, droit comparé v. étude des droits étrangers, etc.), qui ne sont pas du tout en prise avec la manière dont la littérature internationale s'interroge aujourd'hui sur l'opération intellectuellle en cause dans l'activité de comparaison. Cette limite épistémologique tient, outre à l'absence d'une véritable communauté comparatiste constituée en écoles de pensée, à la faiblesse générale de la réflexion française en matière de théorie juridique, à l'absence d'interdisciplinarité dans le champ universitaire hexagonal et à une tradition technicienne concevant le droit comparé comme un vecteur de l'exportation du système juridique français à l'étranger. Les universitaires comparatistes qui travaillent en France peuvent être sommairement regroupés en cinq catégories : les plus en phase avec la doctrine internationale adoptent une perspective de droit global qui dépasse les clivages usuels (droit public v. droit privé, droit interne v. droit international, etc.) ; un deuxième groupe insiste sur l'importance des cultures juridiques afin de comprendre et comparer les droits ; d'autres produisent des travaux comparatistes véritablement transversaux sans se préoccuper outre mesure des questions méthodologiques ; un quatrième groupe conçoit la comparaison comme la juxtaposition de monographies nationales successives ; un dernier groupe demeure fidèle à la méthodologie des « grands systèmes de droit » héritée de René David. L'interrogation sur le champ, l'objet et la méthode de la comparaison demeure nécessaire. Sans viser la victoire d'une orthodoxie, elle doit favoriser l'identification d'une multiplicité de manières d'aborder la comparaison juridique, en clarifiant les présupposés, les résultats et les limites de chacune.

Domaines

Droit
Fichier non déposé

Dates et versions

hal-03399515 , version 1 (24-10-2021)

Identifiants

Citer

Guillaume Tusseau. Quelques impressions sur la comparaison juridique en France : Une croissance inorganique et sous-théorisée. Annuario di diritto comparato e di studi legislativi, 2013, pp.429 - 445. ⟨hal-03399515⟩
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