La logique de l'amour dans la démocratie
Abstract
Pour envisager en amont la question des affects démocratiques et de leur enracinement dans la logique du semblable, j’ai choisi de partir d’une remarque de Claude Lévi-Strauss à propos de Rousseau. Ce dernier est à l’origine de l’idée selon laquelle « autrui » n’est pas seulement un parent, un proche ou un compatriote, mais « un homme quelconque du moment qu’il est homme ». Aussi, le premier mouvement de l’homme moderne fut « de s’éprouver identique à tous ses semblables». Cette dernière expression englobe deux éléments. D'une part, la notion d’identité personnelle n’est pas acquise immédiatement, elle ne l’est que par inférence. Contrairement à l’évidence immédiate du cogito (je pense, je suis), elle engage d’emblée le rapport à l’autre. Elle est marquée, d’autre part, par l’ambiguïté du terme « semblable » : il désigne à la fois mon semblable (celui que je reconnais comme tel en vertu de son appartenance à une humanité commune) et celui qui me ressemble. Nous tenons ici deux indications essentielles qui se situent au cœur des rapports entre politique, affectivité et intimité.
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