Personne et citoyen, deux identités ?
Abstract
PLAN :
Identité personnelle, identité politique : ce qu’en dit John Rawls
Communautés et minorités : deux critiques du partage rawlsien.
Quelles passerelles entre la personne et le citoyen ?
On dépeint souvent le libéralisme politique comme un « art de la séparation », pour reprendre l’expression employée par Michael Walzer. L’une des principales manifestations de cet « art » consiste à établir un partage entre domaine privé et domaine public. Ce découplage se répercute sur la conception libérale de l’identité du « moi » (« self »). C’est tout particulièrement le cas chez John Rawls, qui distingue entre, d’une part, l’identité privée, « personnelle » ou « morale » de l’individu, laquelle est faite d’appartenances à des communautés spécifiques et, d’autre part, l’identité publique du citoyen, également qualifiée de « politique » ou d’« institutionnelle ». S’il s’agit de maintenir une indépendance de la seconde vis-à-vis de la première, c’est – explique Rawls – parce que les changements susceptibles d’intervenir au plan de l’identité personnelle (par exemple, l’abandon de certaines convictions religieuses ou la rupture de liens culturels) ne doivent pas affecter ou compromettre la capacité de l’individu à jouir des mêmes libertés et droits fondamentaux qui lui sont garantis au titre de citoyen. L’enjeu est donc d’importance. Or, nombreuses sont les remises en question d’une telle séparation identitaire : certains dénoncent son artificialité, d’autres soulignent qu’elle peut être cause d’injustices, tandis que d’autres encore insistent sur les passerelles entre les deux niveaux. A partir d’une analyse des écrits de John Rawls ainsi que des critiques qui lui ont été adressées à ce sujet, on tentera de comprendre si un assouplissement de cette séparation est pensable sans que cela n’entame la continuité de la personne politique en tant que citoyen, conservant les mêmes droits et devoirs.