Rome, capitale d’Henri Lefebvre
Résumé
L’influence du philosophe marxiste français sur le Parti communiste italien (PCI) a été réelle, notamment lorsque le PCI a géré la municipalité de Rome. Si l’on réfléchit sur le temps long, le récent succès que connaît l’oeuvre d’Henri Lefebvre n’apparaît que comme la reprise d’une tendance de long terme. On peut aisément reconnaître la mise en oeuvre de politiques du droit à la ville lors de l’arrivée au pouvoir de gouvernements locaux progressistes dans les années 1970, particulièrement en Italie. S’il est connu qu’Henri Lefebvre visitait Rome et dînait avec les dirigeants du Parti communiste italien (PCI) dans les trattorie de la Ville éternelle, l’hypothèse qu’il eut une influence directe sur les politiques du PCI n’est pas encore validée, malgré de nombreux indices. Tous les livres écrits par Henri Lefebvre sur la ville entre 1968 et 1974 ont été rapidement traduits en italien (tous avant 1976).
Au même titre que le capital pour Marx, à la fois objet théorique et anticipation, Rome est la capitale de Lefebvre. Dans les années d’après-guerre, Rome n’est pas une ville ouvrière : une grande partie des emplois pendant les Trente Glorieuses sont fournis par des sociétés publiques, des régies de services urbains ou les entreprises du bâtiment. C’est la ville, et non pas l’usine, qui transforme les masses en peuple.
Dans les années 1950, environ un demi-million d’habitants résident dans des quartiers informels appelés borgate. Chercheurs et militants, tout autant que peintres et cinéastes du « nouveau réalisme » découvrent la vie quotidienne des gens des borgate, pour la plupart d’anciens paysans issus de l’exode rural des régions du sud de l’Italie.