La grève du lait de 2009. La révolte de l'agriculteur modernisé
Résumé
Cette communication aborde la grève du lait de 2009 comme une révolte des agriculteurs de la base contre les pouvoirs professionnels établis. C’est à partir de la relation conflictuelle ainsi mise à jour que nous définissons les petites gens : nous désignons ainsi la frange des agriculteurs tenus à l’écart des organes décisionnels de la profession agricole. L’infériorité ne se mesure donc pas ici en fonction du profil économique ou de la taille des exploitations, mais en fonction de la proximité avec les pouvoirs professionnels institués comme les syndicats ou les coopératives.
L’enquête menée auprès des organisateurs de la grève en Basse-Normandie révèle en effet des parcours qui croisent rarement les arènes du pouvoir. Caractérisés par la recherche de l’efficacité technique et/ou économique sur leur exploitation, les enquêtés se sont longtemps contentés d’un engagement distancié vis-à-vis des organisations professionnelles agricoles. Nous analysons cette distanciation comme l’expression d’un pacte implicite entre l’élite professionnelle et une partie de la base : celle-ci ne devait pas avoir besoin de s’impliquer dans les différentes formes du pouvoir tant que ses représentants étaient capables d’assurer que ses efforts constant de modernisation soient couronnés de succès économique et d’autonomie sociale. Nous inspirant des travaux de l’historien Edward P. Thompson, c’est ce pacte que nous rapprochons d’une économie morale de la modernisation.