Le temps partiel aux guichets
Résumé
En France, les années 2000 ont vu l'explosion de l'activité réduite, c'est-à-dire les emplois de faibledurée occupés par des individus inscrits comme chômeurs auprès de l'opérateur public d'indemnisationet de placement, Pôle emploi (ex-ANPE). Cette dynamique explique en grande partie la hausse dunombre de chômeurs. Actuellement, un tiers des demandeurs d'emploi inscrits en France travaillentsimultanément en activité réduite.De nombreuses approches, à dominante économique ou gestionnaire, font de l'orientation versl'activité réduite le fruit d'un arbitrage des chômeurs, qui compareraient l'effort de reprise d'emploiavec le niveau des allocations. Toutefois, une enquête ethnographique dans deux agences de Pôleemploi montre au contraire l'inexistence de cette prise de décision. D'une part, car le dispositif n'estjamais mentionné ni approprié par aucun acteur. D'autre part, les choix des demandeurs d'emploi sonthétéronomes, sujets à négociation, remise en cause ou conflit avec les conseillers. Ces derniers jouentun rôle essentiel dans la pondération ou la révision des critères de recherche d'emploi des chômeurs.La durée de travail souhaitée, et donc l'exposition aux offres relevant de l'activité réduite, est un enjeude lutte au guichet.C'est effectivement lors des entretiens que se discute la qualité des demandeurs d'emploi. En-dehors detoute prescription publique directe, une économie morale apparaît, appuyée sur l'action discrétionnairedes bureaucrates qui négocient l'éligibilité à l'activité réduite (c'est-à-dire les plafonds et les planchersde temps de travail recherchés) selon des catégories de jugement hétérogènes. Cette activitéadministrative requalifie un certain nombre de chômeurs, en les convainquant, persuadant oucontraignant d'accepter des offres à temps réduit.