La possibilité d’une île parlementaire : une anthropologie historique et matérielle de l’Assemblée nationale
Résumé
1er paragraphe : lphine Gardey publie dans son dernier livre une analyse du Palais-Bourbon que l’on serait tenté de qualifier d’anti-« histoire politique ». Il s’agit, en effet, de comprendre les logiques de constitution et de perpétuation du lieu parlementaire en mettant à distance ce qui fait l’ordinaire de l’histoire constitutionnelle et politique, à savoir l’exégèse des textes officiels, l’analyse événementielle et la prosopographie des élus. L’auteure s’inscrit ainsi pleinement dans une démarche de sciences sociales – elle se fait d’ailleurs sociologue et anthropologue autant qu’historienne – questionnant le processus d’institution de l’Assemblée nationale sans lui faire crédit d’être advenue par la seule accumulation des textes constitutionnels. Elle restitue la part d’utopie et de ténacité qu’il faut pour faire tenir un parlement. Ce travail de désobjectivation nécessite d’emprunter les chemins de traverse des archives administratives du Palais pour saisir les à-côtés de la vie parlementaire. La démarche s’inscrit explicitement dans les pas de travaux notoires d’anthropologie politique [2][2] Marc Abélès, La vie quotidienne au Parlement européen,..., mais y apporte une perspective historique (la période considérée couvre le début du 19e siècle jusqu’aux années 1960) et une tonalité théorique novatrice mêlant approches foucaldiennes, sociologie des sciences et des techniques, et étude de genre. On apprend, par exemple, à la page 116 de l’ouvrage que les huissiers de la chambre ont porté le même costume de 1853 à 1932, non le même type d’habits mais bien les mêmes habits au sens matériel. L’anecdote, une parmi tant d’autres, est révélatrice de la démarche du livre sous trois aspects.