La sobriété en contexte d’instabilité institutionnelle
Résumé
Le cas de Lima permet d’appréhender les enjeux spécifiques de coordination soulevés par l’impératif de sobriété dans une métropole du Sud . Cristallisés autour de la gestion de la ressource en eau, les débats sur la sobriété croisent des enjeux sur la croissance urbaine, la justice environnementale et la transformation des relations public-privé. Dans un contexte de vulnérabilité accrue, les stratégies d’imputation des responsabilités se multiplient et les controverses se cristallisent autour du rôle des acteurs privés, des compétences attribuées aux acteurs locaux et du prix de l’eau. Alors que d’autres secteurs ont fait l’objet de transformations rapides et visibles, ce chapitre centré sur la gestion de l’eau permet de rendre compte du poids des logiques politiques et institutionnelles pour expliquer les résistances, les conflits et les mobilisations d’intérêts contradictoires. Ceux-ci ne portent pas sur les technologies mais sur des enjeux de gouvernance, entendue comme la capacité collective à s’entendre, à l’échelle métropolitaine sur la hiérarchie des priorités et les buts poursuivis dans un domaine où l’équilibre sectoriel est fragilisé. Dans ce débat classique entre secteur, territoire et politique publique, l’impératif de sobriété constitue moins une fin qu’un moyen, c’est-à-dire un registre de justification au service de la constitution, sous l’égide de plusieurs acteurs en compétition dans un contexte politique et institutionnel instable, d’une capacité d’action collective pour gérer les ressources en eau. À rebours des analyses en termes d’ingouvernabilité , ce chapitre identifie trois sources d’innovations – par la gouvernance, la privatisation et la firme – qui contribuent, au nom de la sobriété, à la refonte en profondeur du secteur de l’eau. Dans ce qui suit nous présentons les enjeux de la croissance et de la gouvernance urbaine, puis l’analyse des transformations du secteur de l’eau, et enfin les innovations menées au nom de la sobriété.