Valeur et valeur humaine. De l’économie chrétienne à la biopolitique
Abstract
Depuis Albert le Grand et Thomas d’Aquin, les économistes chrétiens n’ont
cessé d’explorer les notions de valeur d’échange, de valeur-travail et de
valeur d’usage, en vue de les rendre compatibles avec la justice
commutative et la justice distributive telles que les définit la théologie
morale. Face à l’essor des théories subjectives de la valeur chez les
économistes néo-classiques, le dominicain Louis-Joseph Lebret (1897-1966)
et l’économiste François Perroux (1903-1987), ainsi que d’autres penseurs
chrétiens de leur génération, ont soumis l’efficacité économique à la
notion de « valeur humaine », à la rencontre entre théorie économique et
enquête sociale empirique. Soucieux de réintroduire le choix politique en
amont des décisions économiques, ils ont joué un rôle d’experts au service
de la modernisation de l’Etat français après la seconde guerre mondiale,
avant de s’engager dans une forme originale de tiers-mondisme. Rome, qui a
adopté cette pensée de la valeur humaine au moment du concile Vatican II
(1962-1965), la réinvestit aujourd’hui dans son combat contre la
biopolitique moderne.