, On peut s'interroger toutefois sur les processus de création de cette symbolique, création qui suppose un rapport avec une norme, voire une forme de domination. Ainsi, la contre-culture « bobo » s'est bien construite face à une culture dominante plus « conventionnelle », jugée comme moins « authentique, p.270

A. Clerval, pris non comme droit à l'expression démocratique dans la ville, mais bien comme la possibilité de co-construction de la ville par l'ensemble de ses habitants, notamment les classes populaires. Ce retour du concept de « droit à la ville », pris comme forme de résistance des couches populaires et de lutte contre la domination des classes dominantes (bourgeoisie traditionnelle et gentrifieurs), nous semble intéressant, mais son usage discutable. L'auteure part du présupposé que les couches populaires ont premièrement un désir de lutte ou résistance, et secondement n'ont aujourd'hui pas les outils pour mener cette lutte. Deux points qui mériteraient plus de précisions et une plus grande charge de la preuve dans l'ouvrage de la géographe et qui pourraient être l'ouverture d'une nouvelle recherche plus approfondie. Ce champ de recherche semble en effet être porteur, notamment en lien avec la rénovation urbaine, comme en attestent par exemple le rapport de, plus politique voire polémique que simplement scientifique, en faisant un appel à un réel « droit à la ville, 1968.

, Si leurs conclusions sont donc différentes, marqueurs de disciplines et d'agendas de recherche divergents, plusieurs points critiques communs peuvent être soulevés

, Premièrement, il semble que la lecture intentionnaliste et a posteriori faite des politiques publiques dans les deux ouvrages soit discutable

, Sophie Corbillé ne propose pas de réflexion critique sur le phénomène qu'elle étudie et auquel elle est consciente de prendre part. Ainsi, les remarques qui sont ici émises lui seront certainement moins directement adressées qu'elles ne le seront à l

, La lecture radicale et critique proposée par Anne Clerval repose sur un choix théorique clair et justifié, qui ne doit pas enfermer le débat

, Il est dommageable que, partant des résultats des politiques qu'elle étudie, Anne Clerval conclut sur les intentions de ces politiques sans en questionner les processus. Or, comme Wildasvki et Pressman (1984) ont par exemple pu le montrer, ces processus de mise en oeuvre sont déterminants pour comprendre les différences entre objectifs des politiques publiques et résultats de ces dernières

, De plus, on peut regretter l'absence de réflexivité apparente des chercheures par rapport à leur objet de recherche (ces dernières étaient elles-mêmes actrices des phénomènes qu'elles observent) et aux concepts (boboïsation ou gentrification) qu'elles utilisent comme des théories générales globalisantes

, En cela, on peut saluer la volonté de clarifier un débat parfois peu scientifique, et de s'inscrire dans un champ de recherche porteur. Néanmoins, bien que la frontière symbolique du périphérique soit mise en lumière et même dénoncée par les auteures, et que des références à d'autres métropoles internationales soient faites, on peut regretter l'absence de réflexion empirique comparatiste, ou tout du moins plus métropolitaine, sur les phénomènes observés. L'outil de la comparaison semble en effet important afin de mieux appréhender les spécificités parisiennes. De plus, cet outil méthodologique semble nécessaire lorsque l'on souhaite appliquer une théorie (telle celle de Neil Smith) à un territoire différent, Enfin, les deux enquêtes ont permis la naissance d'une définition plus claire des processus de gentrification

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, Voir pour exemple l'édito politique de Thomas Legrand dans le 7/9 de France Inter (25 janvier 2013) qualifiant Nathalie Kosciusko-Morizet de « Bobo-compatible », dans Libération : « Nathalie Kosciusko-Morizet, Paris et les bobos?

J. Normand, Paris, si les bobos votaient à droite, 2014.

, Or force est de constater que les définitions de ce concept en France ne font pas consensus. Anne Clerval, géographe radicale, et Sophie Corbillé, ethnologue, signent deux ouvrages portant sur ce phénomène à Paris, proposant une analyse des populations et processus à son origine. S'inscrivant dans deux disciplines différentes, ces dernières partent d'un constat commun : les gentrifieurs (« bobos ») ne forment pas une catégorie sociale unique et unifiée. Leurs enquêtes soulèvent trois processus centraux formant une base de réflexion et de définition de ce phénomène visible dans de nombreux centres urbains : la restructuration de l'économie post-industrielle et des emplois dans les villescentres ; les stratégies immobilières des gentrifieurs encouragées par diverses politiques de redynamisation urbaine et fondées sur une logique-prix et un goût pour la diversité, l'exotisme et l'authenticité, Resumé La gentrification est aujourd'hui un des champs de recherche les plus riches en sociologie, géographie, économie et anthropologie urbaines

C. Boisseuil, Paris défaite, Paris refaite : redéfinir la gentrification, EspacesTemps.net, 2014.